Mauvaises herbes : reconnaître leur utilité... et parfois s’en défaire
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Mauvaises herbes : reconnaître leur utilité... et parfois s’en défaire
(Thibaut Schepman)
04/04/2015, Rue 89
« Je classerais volontiers les végétaux en deux camps, ceux que l’homme altère et transforme pour son usage, et ceux qui viennent spontanément. Rameaux, fleurs, fruits ou légumes, cueillez tant que vous voudrez les premiers. Vous en semez, vous en plantez, ils vous appartiennent : vous suivez l’équilibre naturel, vous créez et détruisez ; – mais n’abîmez pas inutilement les secondes.
Elles sont bien plus délicates, plus précieuses pour la science et pour l’art, ces mauvaises herbes, comme les appellent les laboureurs et les jardiniers. Elles sont vraies, elles sont des types, des êtres complets. »
Comme George Sand dans les « Nouvelles lettres d’un voyageur » (publié en 1868), tout jardinier naturel digne de son nom vous le dira : il n’y a pas de « mauvaises herbes ». Chaque plante a sa place et son utilité, pour le jardin, comme pour l’homme.
Pour le néophyte que je suis, ce message de tolérance est parfois peu audible. Difficile par exemple de penser :
« Bienvenue à toi, petite plante inconnue rampante et prolifique qui a remplacé en quelques semaines une bonne partie du gazon de mon jardin. »
Mais quand on aspire à « laisser faire la nature », il est tout aussi difficile de se mettre à arracher manu militari l’ensemble des plantes qu’on ne connait pas.
Le Shazam des plantes
J’ai commencé par chercher le nom de ces plantes par moi un instant mal-aimées. Facile, puisque je manie maintenant avec brio les applications Pl@ntnet – ce Shazam des plantes – et Sauvages de ma rue.
Grâce à elles, j’ai pu reconnaître les deux principaux envahisseurs :
– Le plus présent s’appelle le mouron blanc. J’apprends à cette occasion qu’il est comestible et attire beaucoup les oiseaux. Bonne nouvelle pour les mésanges que j’ai admirées tout l’hiver.
- L’autre plante s’appelle le faux fraisier. Celui-ci est comestible mais à consommer avec grande modération ou seulement en situation de survie. Pour l’instant, ça va, merci.
Reste maintenant la principale question. Pourquoi ces inconvenants sont-ils si abondants ?
Pour le savoir, j’ai contacté Denis Pépin, ingénieur écologue et agronome. Dans son livre « Je désherbe sans produits chimiques » paru en mars chez Terre vivante, il expliquait :
« La plupart des plantes jugées indésirables profitent de certaines circonstances créées par l’homme pour s’installer et proliférer :
– terre laissée nue entre les plantes cultivées, entre les pavés d’une terrasse ;
– terre chamboulée, tassée, appauvrie, défavorable aux plantes cultivées, exigeantes, mais favorable à des plantes sauvages plus sobres. Ce sont souvent des plantes pionnières, c’est-à-dire qui colonisent un sol nu. Elles contribuent à l’améliorer, l’enrichir en éléments nutritifs, la décompacter par leurs racines puissantes, lui redonner vie et fertilité, préparant ainsi l’arrivée de plantes plus exigeantes.
- À l’inverse, certaines plantes prolifèrent dans les sols riches en éléments nutritifs. Ce sont des “ mauvaises ” herbes de bonne terre. Ainsi, l’ortie, le mouron blanc, le lamier pourpre apprécient les sols riches en azote. »
Au téléphone, je lui confie justement mes soucis de mouron blanc. Il me confirme :
« C’est mauvais signe. C’est souvent le signe d’un excès d’azote, probablement dû à l’utilisation d’engrais azotés. Il faut aussi savoir que les plantes indésirables s’installent le plus souvent parce qu’on a coupé trop court le gazon, à moins de cinq centimètres de hauteur, ou que la terre a été piétinée quand elle était humide. »
« Mauvaises herbes, très bon témoins »
L’écologue a tout bon. Les anciens occupants de mon jardin semblaient clients d’engrais chimiques, et le gazon a servi de terrain de ping-pong automnal avant d’être coupé court.
Les plantes apparues là ne sont décidément pas mauvaises, au contraire. Elles sont les témoins des « problèmes » à régler dans les mois qui viennent pour que revive la pelouse des propriétaires de mon jardin. On les appelle d’ailleurs pour ça des plantes bio-indicatrices.
Je les en remercie, mais ne vais pas leur sauver la vie pour autant. Le spécialiste du « désherbage sans produit chimique » conseille :
« Il faut arracher les plantes qui sont déjà présentes, si possible avant leur montée en graines, puis semer par dessus un gazon adapté à vos usages dans un terreau bio et nutritif. »
Pour rendre grâce à ces plantes dégagées, puis-je ensuite les placer dans mon compost ?
« On peut composter ces plantes, elles sont très intéressantes parce qu’elles sont riches et vont se désagréger très vite. Mais ça peut aussi favoriser leur réapparition à l’avenir, c’est à vous de voir. »
Pour éviter leur réapparition, justement, le passage d’une grelinette – outil permettant d’ameublir la terre sans la retourner – et surtout des tontes moins rases devraient faire l’affaire.
Mais les « mauvaises herbes » ne disparaîtront pas totalement de chez moi pour autant. Comme le conseille Yannick Hirel, jardinier amateur et auteur du blog Au potager bio, je vais continuer à leur laisser quelques zones libres :
« Laisser une partie sauvage dans son jardin, qui va accueillir les adventices mais aussi tout un tas d’insectes, de pollinisateurs, qui sont les auxiliaires du jardinier. En faisant ça on encourage les équilibres naturels.
Moi, par exemple, mes fèves étaient souvent attaquées par des pucerons. Du coup, j’ai laissé pousser des herbes hautes à côté des fèves, et ces herbes ont attiré les coccinelles qui ont mangé les pucerons. »
Ce recoin sauvage promet quelques belles surprises. Dans son « Eloge des vagabondes » (Nil Editions, 2002), Gilles Clément raconte que c’est en accueillant une Berce du Caucase – plante d’un « port architectural et grandiose » mais qui est invasive et donc honnie – qu’il a commencé à concevoir son concept de jardin en mouvement, ce lieu où le jardinier est un observateur et un partenaire de la nature. De quoi vous décourager de séparer le bon grain et l’ivraie.
04/04/2015, Rue 89
Mauvaises herbes : reconnaître leur utilité... et parfois s’en défaire
« Je classerais volontiers les végétaux en deux camps, ceux que l’homme altère et transforme pour son usage, et ceux qui viennent spontanément. Rameaux, fleurs, fruits ou légumes, cueillez tant que vous voudrez les premiers. Vous en semez, vous en plantez, ils vous appartiennent : vous suivez l’équilibre naturel, vous créez et détruisez ; – mais n’abîmez pas inutilement les secondes.
Elles sont bien plus délicates, plus précieuses pour la science et pour l’art, ces mauvaises herbes, comme les appellent les laboureurs et les jardiniers. Elles sont vraies, elles sont des types, des êtres complets. »
Comme George Sand dans les « Nouvelles lettres d’un voyageur » (publié en 1868), tout jardinier naturel digne de son nom vous le dira : il n’y a pas de « mauvaises herbes ». Chaque plante a sa place et son utilité, pour le jardin, comme pour l’homme.
Pour le néophyte que je suis, ce message de tolérance est parfois peu audible. Difficile par exemple de penser :
« Bienvenue à toi, petite plante inconnue rampante et prolifique qui a remplacé en quelques semaines une bonne partie du gazon de mon jardin. »
Mais quand on aspire à « laisser faire la nature », il est tout aussi difficile de se mettre à arracher manu militari l’ensemble des plantes qu’on ne connait pas.
Le Shazam des plantes
J’ai commencé par chercher le nom de ces plantes par moi un instant mal-aimées. Facile, puisque je manie maintenant avec brio les applications Pl@ntnet – ce Shazam des plantes – et Sauvages de ma rue.
Grâce à elles, j’ai pu reconnaître les deux principaux envahisseurs :
– Le plus présent s’appelle le mouron blanc. J’apprends à cette occasion qu’il est comestible et attire beaucoup les oiseaux. Bonne nouvelle pour les mésanges que j’ai admirées tout l’hiver.
- L’autre plante s’appelle le faux fraisier. Celui-ci est comestible mais à consommer avec grande modération ou seulement en situation de survie. Pour l’instant, ça va, merci.
Reste maintenant la principale question. Pourquoi ces inconvenants sont-ils si abondants ?
Pour le savoir, j’ai contacté Denis Pépin, ingénieur écologue et agronome. Dans son livre « Je désherbe sans produits chimiques » paru en mars chez Terre vivante, il expliquait :
« La plupart des plantes jugées indésirables profitent de certaines circonstances créées par l’homme pour s’installer et proliférer :
– terre laissée nue entre les plantes cultivées, entre les pavés d’une terrasse ;
– terre chamboulée, tassée, appauvrie, défavorable aux plantes cultivées, exigeantes, mais favorable à des plantes sauvages plus sobres. Ce sont souvent des plantes pionnières, c’est-à-dire qui colonisent un sol nu. Elles contribuent à l’améliorer, l’enrichir en éléments nutritifs, la décompacter par leurs racines puissantes, lui redonner vie et fertilité, préparant ainsi l’arrivée de plantes plus exigeantes.
- À l’inverse, certaines plantes prolifèrent dans les sols riches en éléments nutritifs. Ce sont des “ mauvaises ” herbes de bonne terre. Ainsi, l’ortie, le mouron blanc, le lamier pourpre apprécient les sols riches en azote. »
Au téléphone, je lui confie justement mes soucis de mouron blanc. Il me confirme :
« C’est mauvais signe. C’est souvent le signe d’un excès d’azote, probablement dû à l’utilisation d’engrais azotés. Il faut aussi savoir que les plantes indésirables s’installent le plus souvent parce qu’on a coupé trop court le gazon, à moins de cinq centimètres de hauteur, ou que la terre a été piétinée quand elle était humide. »
« Mauvaises herbes, très bon témoins »
L’écologue a tout bon. Les anciens occupants de mon jardin semblaient clients d’engrais chimiques, et le gazon a servi de terrain de ping-pong automnal avant d’être coupé court.
Les plantes apparues là ne sont décidément pas mauvaises, au contraire. Elles sont les témoins des « problèmes » à régler dans les mois qui viennent pour que revive la pelouse des propriétaires de mon jardin. On les appelle d’ailleurs pour ça des plantes bio-indicatrices.
Je les en remercie, mais ne vais pas leur sauver la vie pour autant. Le spécialiste du « désherbage sans produit chimique » conseille :
« Il faut arracher les plantes qui sont déjà présentes, si possible avant leur montée en graines, puis semer par dessus un gazon adapté à vos usages dans un terreau bio et nutritif. »
Pour rendre grâce à ces plantes dégagées, puis-je ensuite les placer dans mon compost ?
« On peut composter ces plantes, elles sont très intéressantes parce qu’elles sont riches et vont se désagréger très vite. Mais ça peut aussi favoriser leur réapparition à l’avenir, c’est à vous de voir. »
Pour éviter leur réapparition, justement, le passage d’une grelinette – outil permettant d’ameublir la terre sans la retourner – et surtout des tontes moins rases devraient faire l’affaire.
Mais les « mauvaises herbes » ne disparaîtront pas totalement de chez moi pour autant. Comme le conseille Yannick Hirel, jardinier amateur et auteur du blog Au potager bio, je vais continuer à leur laisser quelques zones libres :
« Laisser une partie sauvage dans son jardin, qui va accueillir les adventices mais aussi tout un tas d’insectes, de pollinisateurs, qui sont les auxiliaires du jardinier. En faisant ça on encourage les équilibres naturels.
Moi, par exemple, mes fèves étaient souvent attaquées par des pucerons. Du coup, j’ai laissé pousser des herbes hautes à côté des fèves, et ces herbes ont attiré les coccinelles qui ont mangé les pucerons. »
Ce recoin sauvage promet quelques belles surprises. Dans son « Eloge des vagabondes » (Nil Editions, 2002), Gilles Clément raconte que c’est en accueillant une Berce du Caucase – plante d’un « port architectural et grandiose » mais qui est invasive et donc honnie – qu’il a commencé à concevoir son concept de jardin en mouvement, ce lieu où le jardinier est un observateur et un partenaire de la nature. De quoi vous décourager de séparer le bon grain et l’ivraie.
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